Douleur au talon – qu’est-ce qui peut en être la cause ?
Comme tous les os, le talon est soumis à des influences extérieures qui peuvent affecter son intégrité et sa capacité à nous faire tenir debout. La douleur au talon, parfois invalidante, peut survenir à l’avant, à l’arrière ou au bas du talon.
La douleur au talon est généralement le résultat d’une quantité de tension trop grande pour ce que le corps est en mesure de tolérer, et qui exerce une trop grande pression sur les tissus mous qui s’y rattachent. Le stress peut également résulter d’une blessure survenue en marchant, en courant ou en sautant sur des surfaces dures, en portant des chaussures inadéquates ou en étant en surpoids par exemple.
Il existe de nombreuses causes pour les douleurs au talon et il s’agit généralement d’un type de douleur le plus répandu. En effet, bien des raisons peuvent être à l’origine de la douleur au talon, la plus fréquente étant la douleur au fascia plantaire, soit la fasciite plantaire. Voici quelques-unes des causes les plus communes qui peuvent occasionner une douleur au talon.
Épine calcanéenne (Épine de Lenoir)
L’épine calcanéenne, une excroissance osseuse sur la face inférieure de l’os du talon, est une cause usuelle de la douleur au niveau du talon. L’épine, perceptible par rayons X, se présente sous la forme d’une protubérance pouvant s’étendre jusqu’à un demi-pouce vers l’ avant.
L’épine calcanéenne résulte d’une sollicitation des muscles du pied, de l’étirement de la longue bande de tissu qui relie le talon à la plante du pied, et des déchirures récurrentes des attaches sur la paroi ou l’os du talon. Ces conditions peuvent survenir à la suite d’un stress trop grand pendant une longue période de temps. Même si la douleur semble être localisée à l’endroit même de “l’Épine de Lenoir”, les dernières avancées scientifiques ne nous permettent pas d’établir un lien direct entre la formation de cette excroissance et la douleur au talon. En résumé, malgré ce que plusieurs sources d’information affirment, l’épine calcanéenne ne serait pas une cause potentielle directe de douleur au talon. Il s’agirait plutôt d’un signe de tension simplement. À suivre.
Fasciite plantaire
Le fascia plantaire est une bande de tissu partant du talon qui s’attache à la base des orteils, laquelle fait partie intégrante du fonctionnement du pied et de la première articulation du gros orteil au cours de la démarche. Il convient également de noter que le fascia plantaire est une continuité du tendon d’Achille et du complexe musculaire du mollet. Cette constatation permet de mieux comprendre l’importance des étirements des mollets dans le traitement de la fasciite plantaire.
La fasciite plantaire se manifeste généralement par une douleur sur la face interne et inférieure du talon, qui est normalement sensible au toucher, mais elle peut être sensible sur tout le fascia. Elle est particulièrement plus intense le matin lors des premiers pas ou après une longue période en position assise. La douleur a tendance à provoquer des douleurs ou une sensation de brûlure et apparaît de façon progressive et sans antécédents de traumatisme, bien que ce ne soit pas toujours le cas.
La fasciite plantaire est typiquement une blessure due à une sollicitation excessive et la marche et le sport peuvent augmenter la douleur. Il y a beaucoup de choses qui peuvent aggraver le fascia plantaire, parmi lesquelles :
- la fonction du pied et la biomécanique des membres inférieurs;
- les chaussures;
- augmentation rapide d’une activité
- historique de blessure
- diminution de flexibilité de la chaîne postérieur
- la contraction insuffissante des muscles, et
- le sport de haute intensité
- et plus souvent, plusieurs facteurs intrinsèques et extrinsèques y participe.
Le repos n’apporte qu’un soulagement temporaire. Lorsque vous reprenez la marche, en particulier après une nuit de sommeil, vous pouvez ressentir une “élongation” soudaine de la bande de fascia, qui s’étire et tire sur le talon. En marchant, la douleur au talon peut diminuer ou même disparaître, mais ce pourrait n’être qu’un faux sentiment de soulagement. La douleur revient souvent après un repos prolongé ou une longue marche. Comparativement à un bras par exemple, les pieds sont actifs toute la journée et sont habituellement sous un stress constant, ce qui limite la vitesse de guérison.

Pronation “excessive”
La douleur au talon NE résulte PAS d’une pronation excessive. La pronation est le mouvement flexible normal et la flexion de la voûte plantaire qui lui permet de s’adapter aux surfaces du sol et d’absorber les chocs, dans le cadre de la marche normale. L’image présente ici est une démonstration éronée souvent utilisée pour catégoriser les positions dites anormales du pied. Il s’agit d’un message trompeur qui n’explique en rien la pathophysiologie, mécanisme par lequel une blessure survient.
En marchant, le talon touche d’abord le sol ; le poids se déplace d’abord vers l’extérieur du pied, puis vers le gros orteil. La voûte plantaire se soulève, le pied roule généralement vers le haut et vers l’extérieur, devenant un support stable afin de soulever le corps et de le faire avancer. Une pronation excessive, c’est-à-dire un mouvement qui serait excessif vers l’intérieur, pourrait créer une élongation et une traction anormales sur les ligaments et les tendons rattachés au bas du talon, à l’arrière de l’os. Une pronation dites excessive est une explication simpliste (et souvent fausse) pour expliquer comment le mouvement “anormal” du pied peut contribuer à certaines apparitions de douleur au niveau du pied.
À noter que la pronation excessive n’est pas du tout une cause de douleur mais bien un facteur qui pourrait entrer dans l’explication de certaines douleurs chroniques. La pronation excessive est par définition une tension “trop grande” lorsque qu’exercée sur certaines structures du pied. Cependant, la pronation est mouvement du pied répétif qui, sauf dans certains exceptions, est stable dans le temps, donc n’explique pas l’apparition d’une nouvelle blessure. La pronation est un acte « normal » et sain du pied, nous pouvons la qualifions “d’excessive” seulement lorsque celle-ci contribue de manière marquée dans le développement et surtout la récurrence de certaines pathologies. La pronation “excessive” n’est en aucun cas un diagnostic précis à l’origine de vos douleurs, pas plus que d’avoir un ” pied plat” (Sujet d’un autre article à venir… pied plat et fausse croyance).
Neuropathie de Baxter
Il s’agit d’une compression du nerf (nerf plantaire latéral) qui dérive du nerf tibial et qui peut parfois être confondue avec une fasciite plantaire. La différence réside dans le fait que la douleur sera qualifiée d’aiguë, avec des zones d’engourdissement possibles dans la partie médiane du talon et pouvant suivre une trajectoire latérale. Il n’y aura pas de douleur au premier pas le matin et elle tend à s’aggraver au fur et à mesure que la journée avance. Elle peut être de nature sporadique, car la douleur n’est présente que lorsque le nerf est étiré ou sous tension.

Souvent, on peut observer une combinaison de fasciite plantaire et de neuropathie, l’une ayant contribuée au déclenchement de l’autre et vice-versa. La neuropathie est aussi associée à un phénomène d’enflure au niveau de la région, ce qui peut augmenter la compression de celle-ci.
Maladie de Sever
Il s’agit d’une douleur au talon qui se présente dans le talon postérieur, où le tendon d’Achille s’insère dans le talon, et ne touche que les enfants. Le nom technique de la maladie de Sever est « Apophysite du calcanéum », ce qui signifie qu’au fur et à mesure que les os grandissent, les muscles ne s’adaptent pas à l’allongement des muscles du mollet, qui deviennent tendus et le tendon du muscle tire sur son insertion, créant ainsi de la douleur au niveau de la zone de croissance de l’os du talon. Il s’agit de l’explication très “simpliste”. On voit souvent une association entre une diminution de mobilité de la cheville, un manque de flexibilité des mollets avec l’apparition de cette condition.
Chez les 10-14 ans, la maladie de Sever est très répandue et touche surtout les garçons. La douleur ressentie est une sensation de brûlure, une douleur ou les deux et s’aggrave encore davantage lors d’activités sportives, en particulier les sports comme le soccer qui se joue sur une surface dure en hiver. Il y aura une douleur à la palpation du talon postérieur et le test de compression sur le talon sera douloureux. Le fait de serrer le talon en périphérie sera souvent un indicatif fort de la présence de l’apophysite en combinaison avec l’histoire clinique.
Dans la très grande majorité des cas, une radiographie n’est pas nécessaire pour établir le diagnostique de Maladie de Sever. Des radiographies devraient être prises seulement si un cas de fracture est envisagé, comme dans le cas d’un trauma ou d’un accident (telle une chute).
Il y a presque toujours une tension dans les muscles du mollet. Le repos réduira la douleur et présentera ce qui semble être une manifestation sporadique.
Dans presque tous les cas, la maladie de Sever est autolimitative, ce qui signifie que la douleur disparaîtra d’elle-même, car à mesure que les plaques de croissance fusionnent, la douleur tend à disparaître naturellement et ce, sans aucun traitement. Dans certain cas, un traitement peut être envisager si celui-ci limite la qualité de vie ou la pratique d’activité.
N.B : Une fasciite plantaire n’est pas chose courante chez les enfants, voire exceptionnelle. Si la condition d’une fasciite est faite chez un enfant, une investigation au niveau biomécanique est à faire. La maladie de Sever offre une explication plus plausible des douleurs.

Tendinite (muscle)
Sous le fascia plantaire se trouvent des muscles, dont certains sont intrinsèques et d’autres extrinsèques, qui peuvent être excessivement sollicités, ce qui entraîne une tension qui se traduit par une douleur intense et se propage le long du muscle affecté.
Lors de l’examen, la palpation du muscle soumis à une charge sera douloureuse, et vous aurez alors tendance à vous rappeler une activité particulière qui est à l’origine de la douleur dans un premier temps. Toute activité faisant appel au muscle blessé sera pénible. Le muscle tibial postérieur est un diagnostic différentiel important à considérer dans l’évalution des douleurs au talon.
Compression du nerf calcanéen médial
Il s’agit d’une compression du nerf calcanéen médial (os du talon) correspondant à une branche du nerf tibial de la jambe. Le type de douleur est similaire à celle de Baxter, de sorte qu’il peut y avoir un engourdissement situé à l’intérieur du talon et que celui-ci peut être aigu. Il n’y aura pas de douleur lors du premier pas le matin.
La douleur se situe seulement sur la face interne du talon, à proximité directe du muscle qui s’y fixe (abducteur de l’hallux) et du gros orteil, et est responsable de l’abduction de l’hallux (déplacement du gros orteil). Il se peut que vous ne puissiez pas faire de mouvements d’abduction avec le gros orteil si le nerf calcanéen médial est compressé. Cette compression est souvent secondaire à l’oedeme présent et aussi la présence d’une fasciite plantaire en combinaison.
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Dr. Antonin Bérubé, votre podiatre
Diplômé du programme de doctorat en médecine podiatrique (DPM) de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Il est professionnel de pathologies du pied et la de cheville. Sa passion pour la biomécanique et les douleurs musculo-squelettiques l’amène à traiter chaque patient comme un athlète, de façon à le remettre sur pied le plus rapidement possible et à prévenir de futures blessures.