Douleur au talon, fasciite plantaire, épine de Lenoir : outil de traitement indispensable!

La douleur au talon est de loin la principale raison de consultation en ce qui a trait aux problèmes touchant le pied. En effet, la fasciopathie plantaire, aussi appelée fasciite plantaire ou épine de Lenoir, atteindra environ 10 % de la population au moins une fois au cours d’une vie. Ceux et celles qui en ont déjà souffert savent à quel point cette pathologie peut être incommodante.

Guide Douleur talon

[Le sujet de cet article ne concerne pas les traitements de base à effectuer à la maison lors de l’apparition des premiers symptômes de douleur au talon (fasciite plantaire ou épine de Lenoir). Si vous cherchez ces informations, vous les trouverez dans ce guide complet « Douleur au talon » qui vous expliquera comment prendre en charge immédiatement les traitements à effectuer.]

J’aimerais attirer votre attention sur une recherche parue dernièrement. Cette étude scientifique s’est attardée à évaluer le pronostic à long terme des personnes ayant souffert de fasciite plantaire ou d’épine de Lenoir. En d’autres mots, les chercheurs ont observé l’état des fibres du fascia plantaire durant 5 et 15 ans. L’un des résultats les plus surprenants de cette étude est le suivant :

« Le risque de toujours avoir une fasciite plantaire après une période de 5 ans est de 50 %, 45,6 % après 10 ans et 44 % après 15 ans à partir du jour où les symptômes ont commencé. » (Hansen, Krogh et coll. 2018)

Concrètement, l’étude démontre qu’environ une personne sur deux aura toujours des symptômes de douleur ou d’inconfort au talon après plusieurs années, et ce, même après avoir effectué un ou plusieurs traitements pour vaincre la fasciite plantaire ou l’épine de Lenoir.

Inquiétant, dites-vous?

Nous savons qu’il existe une multitude de traitements divers allant de la glace à l’injection de cortisone en passant par la thérapie manuelle, la thérapie par ondes de choc ou les orthèses plantaires. Il y a autant de professionnels de la santé qui traitent la fasciite plantaire ou l’épine de Lenoir qu’il y a de traitements différents qui peuvent être entrepris avec des résultats tout aussi variables…

Beaucoup de ces traitements sont axés sur la diminution de la douleur du patient. Ils ont pour but de « réduire l’inflammation » liée à la fasciITE plantaire (la terminologie ITE signifie que la structure, dans ce cas-ci le fascia, est en phase inflammatoire). Une fois la phase inflammatoire réactive « calmée » par ces traitements, le patient est souvent laissé à lui-même et peu de réadaptations sont faites par la suite.

J’en profite donc pour vous présenter un autre article scientifique qui propose pour sa part un traitement qui est, à mon avis, trop peu souvent utilisé dans le traitement global de la fasciite plantaire ou de l’épine de Lenoir. Il devrait faire partie de tout plan de traitement pour les personnes ayant souffert de cette pathologie.

Douleur talon
illustration de pied

L’outil de traitement indispensable : un exercice!

Pourquoi un exercice? Pour comprendre son importance, il faut d’abord comprendre la pathophysiologie de la fasciopathie plantaire. Longtemps, nous avons pensé qu’il s’agissait d’une condition inflammatoire comme mentionné précédemment. Cependant, des recherches ont démontré qu’il y avait un phénomène de dégénérescence au niveau des fibres du fascia plantaire (détérioration des fibres de collagène et autres changements). Un programme de renforcement à haute résistance a déjà prouvé les bénéfices pour les tendons en phase dégénérative dans des conditions similaires comme les tendinoapathies d’Achille ou les tendinopathies patellaires.

L’article scientifique publié par Rathleff et al.(2014) a démontré que cet exercice à haute intensité procure une réduction des douleurs et des symptômes après trois mois plus rapidement que l’étirement manuel du fascia.

L’explication derrière l’efficacité de cet exercice réside dans la biomécanique même du pied. Tout d’abord, le fascia plantaire est une bande fibreuse qui se trouve sous votre pied et qui s’attache sur votre calcanéum, l’os de votre talon, pour aller rejoindre l’avant de votre pied sur les métatarses et les phalanges, vos orteils. Ce fascia n’est pas un muscle, il n’a donc aucune capacité contractile. Impossible de le solliciter volontairement. Son rôle est de stabiliser le pied de manière passive. Certains pensent que l’arche du pied, la courbure à l’intérieur, tient en place seulement à cause de la géométrie en forme d’arc de cercle. Toutefois, c’est le rôle du fascia de tenir le pied en place en combinaison avec d’autres muscles s’attachant sur le pied. Le pied devient alors un levier rigide pour la propulsion lors du cycle de la marche. Ce mécanisme est connu sous le nom de « Windlass mecanisim ».

Pour mieux visualiser :

  • Tirez votre gros orteil vers le haut, cela simule la fin du cycle de marche lorsque le talon est surélevé.
  • De l’autre main, vous pouvez toucher votre arche plantaire et sentir le fascia qui se raidit selon la force que vous appliquez vers le haut. Cette action a aussi pour effet d’augmenter la hauteur de votre arche plantaire.

Exercice simple et à la portée de tous

Il vous suffit d’une serviette et d’une marche d’escalier!

  1. Placez l’avant de vos pieds sur une marche d’escalier tout en laissant les talons dans le vide. Insérez ensuite une serviette sous vos orteils de manière à les surélever au maximum. Contractez les mollets, montez vos talons le plus haut possible puis relâchez tranquillement pour redescendre doucement sous la marche de façon à venir étirer vos mollets.
  2. Effectuez 3 séries de 30 répétitions. Une répétition est de 3 secondes à la montée et de 3 secondes à la descente.
  3. Pour cet exercice, les genoux sont droits et les fessiers sont ressortis.

L’un des avantages majeurs de cet exercice est qu’il peut être réalisé conjointement à tout autre plan de traitement déjà établi. Il est important de l’amorcer avec quelques répétitions et d’augmenter progressivement le nombre de répétitions. À titre de référence, je recommande souvent à mes patients de commencer avec 60 répétitions par jour puis d’augmenter graduellement d’environ 5 répétitions par jour jusqu’à atteindre environ 180 répétitions par jour. Cela peut sembler beaucoup, mais il s’agit d’un exercice ayant pour objectif précis d’augmenter considérablement la charge sur le fascia plantaire afin de permettre à ses fibres de redevenir fonctionnelles.

Je donne la possibilité au patient de faire ses répétitions en plusieurs séries et de les étendre durant la journée. L’objectif ici n’est pas d’en faire une quantité incroyable le premier jour et de ne plus en faire par la suite. Je le répète souvent : la constance et la discipline sont les clés pour une réhabilitation efficace. Pour ceux qui trouvent le niveau difficulté bas, je recommande de faire l’exercice sur un seul pied à la fois ou de simplement ajouter du poids (p. ex. : portez un sac à dos remplis de livres).

Attention! Il est bien important que cet exercice ne cause aucune douleur supplémentaire. Il ne s’agit pas non plus d’un exercice que je recommande dès les premiers symptômes lorsque la fasciite est à son niveau le plus aigu, soit lorsque les symptômes sont plus présents et que vous avez de la difficulté à poser le pied au sol. Un truc simple et efficace pour savoir si vous êtes prêt à entreprendre cet exercice : commencez avec 60 répétitions en une journée, puis vous pourrez poursuivre progressivement ce programme de réhabilitation seulement si :

  • Il n’y a aucune douleur pendant les répétitions.
  • La douleur n’a pas augmenté de manière significative le lendemain matin.

Une autre contre-indication pour cet exercice est dans le cas où vous auriez reçu une infiltration de cortisone au talon il y a moins de six mois.

En conclusion, la fasciopathie plantaire (douleur au talon, fasciite plantaire ou épine de Lenoir) peut s’avérer difficile à traiter et beaucoup de gens continuent à avoir des symptômes malgré l’application de certains traitements. Il est important d’inclure un exercice de renforcement à haute résistance de manière à aider les fibres à retrouver leurs fonctions et ainsi guérir complètement les symptômes et les inconforts liés à la fasciite plantaire ou à l’épine de Lenoir.

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antonin

Dr. Antonin Bérubé, votre podiatre
Diplômé du programme de doctorat en médecine podiatrique (DPM) de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Il est professionnel de pathologies du pied et la de cheville. Sa passion pour la biomécanique et les douleurs musculo-squelettiques l’amène à traiter chaque patient comme un athlète, de façon à le remettre sur pied le plus rapidement possible et à prévenir de futures blessures.