Tout savoir sur l’arthrose du gros orteil (Hallux Limitus)
Il s’agit certainement de la forme d’arthrose la plus fréquente au niveau du pied et de la cheville. Cette affection se nomme Hallux Limitus, c’est-à-dire limitation du mouvement de l’articulation du gros orteil, ou Hallux Limitus. Dans le cas d’une perte complète du mouvement de l’articulation du gros orteil, le nom est Hallux Rigidus. Il s’agit du résultat d’une atteinte articulaire chronique ou aiguë qui entraîne la fusion des deux os de l’articulation métatarso-phalangienne.
Le terme Hallux Limitus désigne une rigidité de l’articulation du gros orteil. Il s’agit d’une affection caractérisée par une diminution de l’amplitude des mouvements et une sensation de douleur à la première articulation métatarso-phalangienne du pied. À l’instar de nombreuses affections touchant le pied, celles d’ordre fonctionnel peuvent devenir des déformations structurelles. Avec sa progression, une forme dégénérative d’arthrite se manifeste dans l’articulation du gros orteil. On y voit souvent une « bosse » sur le dessus de l’articulation, qui est en fait une exostose osseuse. Plus l’atteinte est avancée, plus l’exostose est importante.
Symptômes
- Douleur à l’articulation du gros orteil, exacerbée par une activité sportive ou la marche
- Un élargissement osseux ou une bosse au sommet de l’articulation du gros orteil
- Amplitude de mouvement réduite au niveau de l’articulation du gros orteil, qui se traduit par une incapacité à fléchir le gros orteil d’environ 45 degrés en position debout
- Rétrécissement de l’articulation du gros orteil et des éperons osseux, visibles à la radiographie. Moins d’espace entre les os.
- Une bosse dure sur le dessus du gros orteil
- Rotation externe des pieds (marcher comme un canard). Tendance à modifier la façon dont vous marchez.
- Rougeur présente sur le dessus de l’orteil
- Chaleur et enflure sont souvent perceptibles après une activité de longue durée
- Lever les talons et se mettre sur la pointe des orteils est souvent douloureux au niveau du gros orteil
Évolution
Dans la très grande majorité des cas, l’évolution se fait graduellement sur plusieurs années. Au départ, celle-ci n’est pas du tout douloureuse, les symptômes demeurent occasionnels sans être limitatifs. Une fois l’arthrose en place, l’articulation est de plus en plus limitée et propice à « s’inflammer » lors d’une demande physique particulière.
Beaucoup de patients vont être même surpris et ne pas comprendre pourquoi celle-ci commence à être si douloureuse du jour au lendemain.
En regardant l’histoire du patient, on s’aperçoit assez rapidement de la cause potentielle du développement de ce type de dégénérescence. Une biomécanique du pied particulière peut aussi aider à expliquer son apparition chez certains individus.
Le traitement hâtif et préventif est définitivement la meilleure solution pour prévenir son évolution et la détérioration de l’état de l’articulation.
Celle-ci peut être particulièrement limitative dans le cas d’une personne active ou lorsque le travail demande un niveau d’activité important.

Causes
La principale cause de l’Hallux Limitus est un alignement anormal de l’os long situé derrière l’articulation du gros orteil, appelé le premier os métatarsien. Dans ce contexte, le premier os métatarsien est plus élevé que les autres os métatarsiens se trouvant derrière les autres orteils. Ainsi, l’articulation du gros orteil ne peut pas bouger aisément et il s’y produit un blocage au niveau de l’articulation.
Par ailleurs, le blocage de l’articulation du gros orteil a pour autre conséquence le développement d’éperons osseux (exostose) sur le dessus de l’articulation. Cette bosse peut devenir douloureuse en raison de la pression exercée par la chaussure sur le dessus du gros orteil. La douleur à l’intérieur de l’articulation est un résultat commun de la limitation du mouvement de cette articulation du gros orteil. Au fil du temps, elle devient rigide et douloureuse à bouger. Plus la dégénérescence de l’articulation persiste, plus on observe la formation d’éperons osseux. Si l’affection n’est pas traitée, l’articulation peut se détériorer complètement.
Autres causes (Moins communes)
- Traumatisme aigu de l’articulation du gros orteil, comme par exemple une fracture
- Traumatisme répétitif à l’articulation du gros orteil, comme l’entorse métatarso-phalangienne du gros orteil, qui est une blessure sportive courante en cas de sollicitation excessive
- Affections inflammatoires, comme la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrite psoriasique ou la goutte
- On l’aperçoit aussi souvent chez les personnes pratiquant un métier qui demande d’être accroupi sur la pointe du pied, comme dans le cas d’un plombier
Traitement
Avant le traitement, un podiatre établira un diagnostic par un examen physique du pied et l’utilisation de radiographies. Dans les premiers stades de la maladie, les radiographies peuvent paraître normales. Dans les stades ultérieurs de la maladie, un rétrécissement de l’articulation et/ou des éperons osseux peut se révéler évident.
Un examen à l’échographie peut permettre l’évolution de « l’enflure » à l’intérieur de l’articulation et l’apparition de certaines particules, comme dans le cas de la goutte par exemple.
Une fois le diagnostic posé, les options de traitement possibles sont les suivantes :
- Repos, glace, compression et élévation du membre atteint dans un stade aigüe, souvent quelques jours après les premières douleurs.
- Étirement du gros orteil. Des tractions peuvent aider à augmenter l’amplitude de mouvement de l’articulation et elles doivent être exécutées tous les jours.
- Utilisation d’anti-inflammatoires pour traiter la douleur associée à l’inflammation, mais ils ne traitent pas la cause sous-jacente du problème. Autrement dit, la prise de médicament n’est pas une option de traitement viable sur le moyen-long terme. Elle sert seulement à diminuer les symptômes.
- Injection de cortisone afin de réduire l’inflammation présente dans la capsule articulaire. Sa durée d’action varie en fonction de la quantité de cartilage érodé et de la quantité d’éperons au sommet de l’os métatarsien. Lorsque la douleur est intense, l’injection est souvent le moyen le plus efficace de réduire celle-ci dans un court laps de temps. L’infiltration est pratiquée sous anesthésie locale et souvent à l’aide d’un appareil d’échographie.
- Orthèses ou supports de voûte plantaire adaptés pour soulager le gros orteil de la pression. Lorsque la mécanique du pied est un facteur important dans la récurrence des symptômes, une orthèse avec une extension (de Morton) permet de limiter le mouvement de l’articulation. Cela peut s’avérer une option efficace sur le long terme dans les cas chroniques.
- À noter qu’une plaque de carbone peut aussi jouer un rôle important, comme une orthèse plantaire, sans toutefois être aussi dispendieux. Il s’agit en fait d’une semelle plate et très rigide que l’on glisse sous la fausse semelle et permet ainsi de limiter efficacement le travail du gros orteil. Particulièrement efficace dans les cas de pieds creux, les cas traumatiques ainsi que les souliers ayant peu d’espace à l’intérieur. Il est possible de se procurer cette plaque de carbone en ligne ou dans les magasins orthopédiques spécialisés.
- Chaussures spéciales, telles que les chaussures à semelles rigides ou semelles à berceau. Ce type de chaussures aide à réduire le mouvement au niveau de l’articulation du gros orteil. Encore une fois, moins dispendieux et peut être aussi efficace qu’une orthèse dans certaines situations. Le choix d’une chaussure rigide à l’avant-pied, soit l’endroit où les orteils plient, est essentielle dans les cas où l’activité ou le travail exigent beaucoup de marche.
- Des coussinets en vente libre à ajouter à l’intérieur de la chaussure pour limiter la friction au maximum. Une douleur sur le dessus de l’orteil signifie que la botte ou la chaussure frotte sur l’articulation et provoque davantage d’inflammation, ce qui engendre encore plus de douleur. L’important est de protéger avec un gel / coussin à l’endroit de la bosse. Ce pad protecteur doit être porté dans chacun des souliers serrés où il y a une possibilité de friction. Si le dessus de l’articulation est rouge, c’est donc qu’il y encore trop de friction et que la protection n’est pas suffisante.
- Une modification de cordonnerie, qu’on appelle un « punch out » ou une modification « Ball and ring » permet d’agrandir l’avant du pied à l’endroit exact où la bosse se situe pour allouer plus d’espace et ainsi limiter la friction. Particulièrement efficace dans le cas des souliers de cuir ou des bottes de travail rigides.
- Visco-suppléance : une technique récente a fait son apparition sur le marché médical depuis quelques années. L’utilisation d’acide hyaluronique permet au joint d’augmenter la viscosité de l’articulation. Il s’agit de mettre à l’intérieur de l’articulation une substance qui ressemble à un gel transparent afin d’accroître la fluidité du mouvement, réduire la friction et améliorer la fonction. Couramment utilisé dans l’arthrose du genou, les infiltrations de visco-suppléances sont devenues la norme dans le traitement et la prévention de l’arthrose. Une solution sans effets secondaires, car elle agit à titre de lubrifiant naturel pour l’articulation, comme une auto dans laquelle nous ajoutons de l’huile. Cette technique est davantage réservée aux cas chroniques puisque l’objectif n’est pas de réduire momentanément l’inflammation, mais plutôt de protéger et prévenir la dégénération de l’articulation. L’infiltration est réalisée sous anesthésie locale, donc sans douleur, et avec le support d’une échographie. Celle-ci peut être répétée au besoin, à raison d’environ une fois par année pour permettre le maintien de l’intégrité articulaire.
Pour plus d’info: https://podformance.com/services/infiltration-de-viscosuppleance/ - Chéilectomie, intervention consistant à nettoyer l’ostéophytose autour de l’articulation et, si elle est réalisée assez tôt, elle peut réparer les dommages et empêcher qu’ils ne se reproduisent.
- Implant articulaire : une partie de l’articulation peut être remplacée par un implant en titane ou en acier inoxydable. Seule la base de la phalange proximale est remplacée, ce qui est utile dans les cas où l’articulation est gravement endommagée.
- Fusion de l’articulation (arthrodèse) : lorsque les lésions sont importantes et que plus aucun mouvement de l’articulation n’a lieu, le fait de fusionner l’articulation permet d’éliminer tout le mouvement qui crée la douleur. Utile seulement en dernier recours, il s’agit de la procédure qu’on veut éviter le plus possible dû aux mécanismes de compensation qui se développent plus tard.
Le choix de l’intervention est un processus nécessitant une discussion approfondie avec votre podiatre afin de trouver celle qui vous convient le mieux, compte tenu de votre mode de vie et de votre objectif. Il s’agit de procédures chirurgicales importantes. Elles doivent donc être à considérées seulement en dernier recours dû aux risques potentiellement élevés de telle procédure, aux risques de causer davantage de douleur après l’intervention et de l’incapacité de retour en arrière par la suite.
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Dr. Antonin Bérubé, votre podiatre
Diplômé du programme de doctorat en médecine podiatrique (DPM) de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Il est professionnel de pathologies du pied et la de cheville. Sa passion pour la biomécanique et les douleurs musculo-squelettiques l’amène à traiter chaque patient comme un athlète, de façon à le remettre sur pied le plus rapidement possible et à prévenir de futures blessures.